
Crédit photo: Jade Lohé
Bio Christina Towle
Ce qui m’anime dans la création chorégraphique, c’est la possibilité de traverser des mondes. J’aime m’immerger dans des univers qui ne sont pas les miens — qu’il s’agisse du sport de haut niveau, des très jeunes enfants, ou d’un territoire sensoriel comme celui de la musique répétitive — pour en tirer une forme poétique, corporelle, partagée. Chaque projet est pour moi une expérience d’écoute, de déplacement, de cohabitation avec d’autres rythmes, d’autres gestes, d’autres récits.
Franco-américaine, j’ai grandi entre deux cultures, deux imaginaires du corps et du mouvement. Cette double appartenance nourrit mon regard, et m’a naturellement conduite à chercher des langages chorégraphiques hybrides, perméables. Ma formation s’est construite à la croisée de plusieurs héritages : l'exigence formelle, spatiale et musicale acquise auprès de Merce Cunningham à New York, l’élan et la théâtralité du mouvement transmis par Jean-Claude Gallotta à Grenoble, et l’approche intérieure, respiratoire, de la composition avec Myriam Gourfink à la Fondation Royaumont. Ces rencontres ont façonné une pratique où le corps devient lieu d’attention, de complexité, de lien.
Cette pluralité de parcours m’a naturellement conduite à fonder la compagnie Kivuko, qui signifie « d’une rive à l’autre » en swahili. Kivuko porte un projet artistique collectif, mais profondément enraciné dans ce désir personnel de circuler entre les disciplines, les cultures et les perceptions. La compagnie explore la danse comme un espace de passage, de dialogue et de co-construction, où l’on crée des ponts entre des mondes parfois éloignés. Les pièces que je crée avec Kivuko — de Debout – Se Relever à Woods, en passant par Hors-Piste ou Grains — sont autant de tentatives pour ouvrir des espaces de dialogue sensibles, entre des pratiques, des âges, des corps et des publics souvent éloignés les uns des autres.
Je conçois la danse comme un art du lien, du frottement, du décalage parfois, mais aussi de l’hospitalité. J’y cherche des zones d’interaction, de transformation, où chacun puisse trouver une place, un rythme, un accès. Qu’il s’agisse d’un athlète en résidence, d’un tout-petit en crèche, ou d’un spectateur aveugle, l’enjeu reste le même : faire en sorte que la danse se rende disponible à différentes formes de présence et de perception.